Comment les PME choisissent-elles leur(s) mode(s) d’entrée sur les marchés internationaux ? Voici l’éclairage de deux universitaires qui travaillent sur le sujet à l’IAE Lyon (Université Jean Moulin Lyon) : Noémie Dominguez, Maître de conférences, et Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités. Les résultats présentés sont issus des travaux menés dans le cadre d’une Chaire de recherche sur l’internationalisation des PME.
Pour se développer à l’international les PME ont-elles tendance à privilégier des filiales détenues à 100% plutôt que des sociétés communes ou des accords avec des partenaires étrangers ?
Noémie Dominguez : Elles préfèrent souvent porter la globalité du risque toutes seules plutôt que de partager le contrôle et l’engagement de ressources avec un partenaire français ou local. Certes la mise en place d’une filiale permet d’avoir une vraie présence dans le pays, en étant même identifiée, au moins en partie, comme une entreprise locale (en Allemagne, par exemple, le sigle GmbH facilite souvent les ventes). Mais la création d’une filiale requiert des ressources plus importantes, non seulement financières mais aussi humaines et technologiques. L’une des grandes difficultés est de recruter dans le pays d’implantation, de trouver des commerciaux et de les motiver pour venir travailler pour une PME étrangère qu’ils ne connaissent pas du tout au départ.
Ulrike Mayrhofer : Les PME et les start-up préfèrent généralement les filiales aux joint-ventures. Il est vrai que les coopérations avec des partenaires étrangers se soldent par un taux d’échec de 50 %, un chiffre qui traduit la difficulté de trouver le bon partenaire et de développer avec lui une relation de confiance dans la durée. En conséquence les PME hésitent à partager leur stratégie et leur pouvoir. Elles préfèrent souvent tout contrôler. Ce qui est rarement le choix optimal pour elles.
Existe-t-il des spécificités dans le choix des modes d’entrée selon la nationalité des entreprises ?
Ulrike Mayrhofer : Le choix des modes d’entrée est lié aux caractéristiques de la PME, notamment à sa taille. Si l’on compare les PME françaises à leurs homologues allemandes par exemple, la taille des secondes est en moyenne beaucoup plus importante, ce qui explique que les PME allemandes ouvrent plus de filiales que les françaises, parce qu’elles disposent de plus de ressources. Mais à taille égale les comportements sont comparables.
En revanche il y a un point où les deux pays diffèrent : en Allemagne une PME qui veut exporter commence souvent par chercher quelqu’un qui en Allemagne pourra l’aider à vendre ses produits à l’étranger, avant même de se projeter elle-même : par exemple des agents allemands, des exportateurs allemands aux produits complémentaires, des sociétés de commerce allemandes, etc. Ce n’est pas une démarche que l’on observe en France, où les entreprises commencent tout de suite à se projeter directement.
Noémie Dominguez : Beaucoup de PME françaises ont peur de partager le contrôle et les informations. Elles sont ainsi plus réticentes à « chasser en meute » ; les groupements de PME ne marchent pas aussi bien en France qu’en Allemagne, en Italie, en Suède, par exemple, ou même en Chine. Le fonctionnement « en équipe », avec l’Etat, les grands groupes et les PME tous ensemble, est beaucoup plus ancré dans les pratiques de ces pays que chez nous. En France, la prise de conscience dans ce domaine est assez récente.
Existe-t-il des modèles pour déterminer les choix des modes d’entrée ?
Noémie Dominguez : Il existe des modèles pour le choix des modes d’entrée, mais ce sont des modèles économiques fondés sur des logiques de grands groupes. Ils ne s’appliquent pas forcément aux PME ou aux start-up. La difficulté pour comprendre les choix des PME est qu’une bonne part de ces choix sont irrationnels, contrairement à ce qui se passe dans les grands groupes où les décisions sont fondées sur des indicateurs précis. C’est un constat que nous partageons avec nos collègues chercheurs britanniques qui travaillent aussi sur ces mêmes questions.
Ulrike Mayrhofer : Dans notre exposé nous présentons les différents modes d’entrée sur les marchés, et certains critères de choix ; mais la règle de base c’est qu’il faut toujours choisir un mode d’entrée compatible avec le niveau de compétence internationale et les ressources financières de l’entreprise ; chaque mode d’entrée doit être évalué selon sa complexité d’exécution, le partage ou non du risque commercial, le risque financier qu’il représente, etc.
Retrouvez la vidéo de l’intervention d’Ulrike MAYRHOFER, professeure des universités à l’IAE de Lyon lors de la conférence BPI France.