Quelles sont les caractéristiques des entreprises qui vont à l’international dès leur création ? Les réponses de Gary Knight, professeur de management international à Willamette University (USA) et l’un des inventeurs du concept de « born global ».
Qu’est-ce qu’une entreprise « born global » ?
Les entreprises « born global » – ou entreprises « nées mondiales » – se caractérisent par leur internationalisation très précoce. On peut les définir comme « de jeunes entreprises qui, dès leur création ou peu de temps après, cherchent à tirer une part substantielle de leurs revenus de la vente de produits et services sur les marchés internationaux ». C’est-à-dire qu’elles pensent leur offre et leur marchés comme internationaux. Apparues dans les années 1980, elles ont réellement émergé dans le monde entier au début des années 1990, profitant de la mondialisation et des nouvelles technologies, qui ont contribué à réduire le coûts des transactions commerciales à l’international. Le terme de « born global » a été utilisé pour la première fois en 1993 par Rennie et McKinsey & Co. En 1994, dans leurs recherches, Oviatt et McDougall ont évoqué la notion de « nouvelles entreprises internationales » (international new ventures), alors qu’au milieu des années 1990, avec mon collègue Tamer Cavusgil, nous nous sommes penchés sur ce concept et avons commencé à publier sur le sujet. De nombreuses entreprises de ce type ont vu le jour au cours des trois dernières décennies. Aujourd’hui, environ 20 % des nouvelles entreprises en Europe seraient des « born global ». Mais elles représentent même jusqu’à la moitié des jeunes entreprises en Roumanie, en Belgique ou au Danemark, des pays où les entrepreneurs pensent immédiatement « marchés internationaux ».
Que nous apprend le parcours de ces entreprises ?
L’émergence des « born global » est venue bouleverser la vision traditionnelle du commerce international selon laquelle entrer et réussir sur les marchés étrangers est un processus lent et progressif, exigeant un apprentissage (« modèle d’Uppsala »). Un modèle selon lequel le commerce international restait avant tout l’apanage des grandes entreprises multinationales expérimentées, qui considérait que les sociétés ne s’internationalisaient qu’après avoir exploité toutes les opportunités de leur marché domestique, ou encore qu’elles devaient, pour investir les marchés étrangers, adapter considérablement leurs produits et leurs modèles commerciaux aux conditions de chaque pays. Or, les « born global » réussissent à l’international alors qu’elles souffrent a priori de trois handicaps : celui de la petite taille et des ressources limitées ; celui de la jeunesse, avec l’inexpérience et les faibles connaissances qui vont avec ; celui d’être étrangères, sur des marchés cumulant souvent beaucoup de risques et d’incertitudes.
Quelles sont les principales caractéristiques des « born global » ?
Il s’agit d’entreprises dont l’origine et l’orientation sont fortement internationales. Leurs fondateurs ont tendance à minimiser les risques d’internationalisation et à considérer le monde comme leur marché. Les « born global » peuvent opérer dans diverses industries mais sont plus courantes dans les pays présentant de petits marchés intérieurs. Ces entreprises tendent à mettre l’accent sur l’exportation et à tirer parti des réseaux de distributeurs et d’autres intermédiaires à l’étranger.
Quels sont les facteurs qui ont facilité l’essor des « born global » ?
La technologie, Internet, la numérisation, le commerce électronique, etc., ont permis d’améliorer l’efficacité opérationnelle. La mondialisation a fait perdre de leur pertinence aux frontières nationales et aux modèles commerciaux traditionnels basés sur les pays. Le développement des marchés émergents et d’une classe moyenne mondiale est venu renforcer les opportunités d’exportation. La technologie et la mondialisation ont également contribué à une plus grande visibilité des marchés de niche mondiaux, que les entreprises peuvent désormais cibler avec des produits spécialisés ou personnalisés, vendus dans le monde entier. Enfin, les jeunes entreprises sont plus agiles, plus adaptables, et souvent plus orientées client, même si elles manquent généralement d’assise organisationnelle et de cap stratégique.
Quels sont les facteurs internes qui facilitent l’internationalisation précoce ?
Les entreprises dotées d’un petit marché intérieur et disposant de nombreux marchés étrangers à proximité sont plus enclines à s’internationaliser de manière précoce. L’existence d’une forte demande internationale pour le produit de l’entreprise est également un facteur favorisant. L’entreprise qui fabrique un produit de niche et n’a que peu de concurrents sera bien sûr avantagée. La qualité supérieure du produit de l’entreprise et sa conception initiale comme un « produit pour le marché mondial » constituent aussi un tremplin idéal pour un succès mondial. Enfin, la capacité à entretenir des relations de qualité avec un réseau international joue également un rôle important.
Quelles sont les stratégies développées par les « born global » ?
D’abord, le management de l’entreprise est fortement axé vers la croissance internationale et la recherche d’opportunités dans ce domaine. Le dirigeant a lui-même généralement une expérience significative du commerce international et une orientation d’« entrepreneur international ». L’entreprise s’appuie sur des réseaux internationaux pour l’approvisionnement, la production, les ventes, le marketing ou la distribution. Elle se dote d’intermédiaires solides dans les pays clés. Les « born global » sont également orientées vers l’apprentissage international et l’acquisition de connaissances sur les marchés étrangers et les modèles commerciaux internationaux. La direction dispose également de fortes capacités de marketing international. Ces entreprises développent des stratégies de différenciation et / ou de concentration et proposent généralement des produits de bonne qualité. Elles sont innovantes et capables d’adapter leurs produits et leurs modèles commerciaux aux conditions des marchés étrangers. Elles exploitent aussi la technologie (TIC, plateformes numériques, automatisation, etc.) pour maximiser l’efficacité des opérations internationales.