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Face à l’extraterritorialité, la prévention s’impose

Face à l’extraterritorialité, la prévention s’impose

Entretien avec Hervé Guyader, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en droit et président du Comité Français pour le Droit du Commerce International (CFDCI), qui animait en janvier 2017 notre réunion sur le thème : « Comment gérer l’extraterritorialité des lois U.S. ».

1. Dans quelle mesure certaines lois US peuvent-elles s’appliquer à des entreprises non américaines ?

Les Américains considèrent que le dollar est le véhicule de la loi américaine : toute opération réalisée avec cette monnaie peut donc légitimer l’intervention de l’autorité US. Non seulement ils se donnent le droit de faire respecter un ensemble de bonnes pratiques mais ils font aussi de leur « politique juridique extérieure » une arme pour protéger leurs entreprises.

2. Quels sont les domaines concernés ?

Les lois US à vocation extraterritoriale concernent surtout la lutte contre la corruption (FCPA), le blanchiment d’argent ou le crime organisé (RICO), le respect des sanctions économiques et des embargos, le droit boursier (Sarbanes-Oxley) et bancaire (FACTA).

3. Quels sont les risques ?

Ils sont importants et protéiformes. Le risque de ne plus pouvoir exercer une activité sur le sol américain ou en dollars rend la menace très efficace. S’y ajoutent d’autres risques pour le moins dissuasifs comme ceux de blocages bancaires, de refus d’exécution ou de renégociation imposée de contrats, d’impossibilité d’assurer le transport de marchandises ou de blocage des marchandises dans les ports et les aéroports…

4. Et le risque final d’écoper d’une amende…

D’une amende colossale… et totalement injustifiée. Car quand vous signez avec les autorités américaines « un deal de justice », vous écrivez que vous n’admettez pas ni ne réfutez le motif par lequel vous devez payer une amende. Autrement dit, celle-ci est payée sans aucune motivation juridique. Il s’agit d’une procédure administrative.

5. Comment répondre à ce nouveau défi ?

Le maître mot, c’est la prévention. Il faut élaborer des plans de compliance très précis, fondés sur des audits complets de l’ensemble des pratiques de l’entreprise.

6. Et pour les PME, qui n’ont pas les mêmes moyens ?

Elles n’ont pas le choix non plus. Tout acteur du commerce international doit respecter l’ensemble des préconisations de l’administration française et des autorités américaines. C’est un domaine de spécialistes où l’on ne peut plaider l’ignorance ou la maladresse. Les sommes dépensées pour le plan de compliance doivent être proportionnelles à l’activité. J’ai l’exemple d’une PME dont le plan de conformité a coûté un peu plus de 10 M€ pour un CA de quelques centaines de millions d’euros.

7. Aujourd’hui, les entreprises se donnent-elles les moyens de prévenir ces risques ?

Les grandes entreprises du Cac 40 ont commencé à comprendre la nécessité de s’y mettre… Mais de manière générale, on constate un degré d’impréparation important. Pourtant Donald Trump va, à coup sûr, multiplier la puissance de cette arme de guerre économique. Par ailleurs, la loi française sur le devoir de vigilance, promulguée très prochainement, va également imposer des obligations fortes… Mais peu d’acteurs s’y sont préparés.

8. Les entreprises d’autres pays européens sont-elles mieux armées ?

Il n’y a pas vraiment dans ce domaine de bon ou de mauvais élève en Europe. Les Allemands par exemple ne sont pas mieux préparés que nous à affronter l’extraterritorialité des lois US. La seule différence se situe au niveau du comportement : la rigueur germanique est sans doute plus propice à l’accomplissement des obligations de conformité que l’esprit latin.

La Fabrique de l’Exportation
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