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Du 15 aout 1971 au 7 aout 2025, de la fin de Bretton-Wods au protectionnisme assumé, les Etats-Unis toujours maîtres du jeu économique mondial

Du 15 aout 1971 au 7 aout 2025, de la fin de Bretton-Wods au protectionnisme assumé, les Etats-Unis toujours maîtres du jeu économique mondial

nixon vs trumpDu 15 aout 1971 au 7 aout 2025, de la fin de Bretton-Wods au protectionnisme assumé, les Etats-Unis toujours maîtres du jeu économique mondial. 

 

 

 

 

 

Il y a 54 ans, le 15 aout 1971, le Président Nixon mettait fin à la convertibilité du dollar en or, marquant ainsi l’entrée du monde dans une nouvelle ère monétaire de changes dits flottants ou variables. Nous vivons toujours aujourd’hui sous ce régime ou les cours des monnaies évoluent en permanence au gré des marchés.

 

Le 7 aout 2025, le nouveau barème de droits de douane américain imposé par le Président Trump entre en vigueur. La question est de savoir si nous entrons également dans une nouvelle ère du commerce mondial, et si le protectionnisme et l’unilatéralisme vont devenir la nouvelle norme pour les décennies à venir.


Dans les deux cas, les États-Unis se sont comportés en maîtres incontestés du jeu économique mondial !

La rupture unilatérale des règles économiques

Même s’il est évidemment trop tôt pour juger de l’importance historique de la date du 7 aout 2025, il est clair que la politique commerciale mise en place par la nouvelle administration américaine représente un tournant majeur. Les règles qui ont fondé l’évolution du commerce mondial depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale sont rejetées et bafouées par les Américains, ceux-là même qui les ont mises en place, grâce notamment à la création du GATT puis de l’OMC.

Certes, le processus de libéralisation des échanges dans un cadre multilatéral était bloqué depuis une dizaine d’années au moins, comme le montre l’état de coma profond dans lequel se trouve l’OMC, et ces règles se montraient incapables de traiter le problème systémique posé par la stratégie industrielle et commerciale de la Chine. Mais les mesures qui s’appliquent depuis le 7 aout marquent une rupture profonde, dont les effets sont à ce jour difficiles à mesurer.

Les questions de commerce international sont désormais traitées par les Etats-Unis avec une brutalité inédite : il ne s’agit pas seulement d’extorquer des concessions majeures à ses partenaires commerciaux, il faut aussi les humilier publiquement. Ainsi, le Président Trump consent-il à interrompre pendant un court moment sa partie de golf écossaise pour imposer ses volontés à la Présidente de la Commission Européenne. L’accord est conclu chez lui, à Turnberry, sans véritables discussions. Cette scène ne peut que rappeler l’épisode de la visite du Président ukrainien à la Maison Blanche, ou le défilé des affidés de Trump à Mar-a-Lago.

La faiblesse européenne et les déboires à venir

Au-delà de cet aspect formel, les termes mêmes de l’accord Etats-Unis – Union Européenne sont profondément déséquilibrés, comme chacun a pu le relever. Et ce ne sont pas les exhortations des autorités françaises à poursuivre la négociation pour certains produits, et à prendre des mesures dans le domaine des services, notamment numériques, qui y changeront quoi que ce soit. Il est illusoire de penser que les Etats-Unis ne réagiraient pas avec violence à toute mesure qui pourrait frapper les intérêts de leurs entreprises, les banques et les GAFAM en particulier.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est tout aussi évident que les Etats-Membres, dans la situation actuelle, resteront divisés et incapables d’adopter une posture de fermeté par rapport aux Etats-Unis.

Un des arguments principaux de la Commission européenne en défense de l’accord est celui de stabilité et de la prévisibilité. Il s’agit il est vrai d’éléments très importants pour nos entreprises. Mais qui ne voit que Donald Trump peut changer d’avis à tout moment, et revenir sur les termes de l’accord, pour peu que les intérêts américains lui semblent menacés.

Et au-delà de la versatilité du Président américain, l’accord lui-même lui donnera de multiples occasions de reprendre sa parole. Beaucoup de points du volet commercial restent à préciser et il est patent que les engagements pris en matière d’achat d’énergie et d’investissements des Etats-Unis seront très difficiles à tenir, et échappent de toute manière à la compétence de la Commission européenne.

Cette négociation n’est donc en aucun cas un compromis entre les deux parties, qui auraient consenti des concessions réciproques, mais une tentative réussie de coercition. La faiblesse européenne dans cette affaire est criante, et nous expose probablement à d’autres déboires, tant vis-à-vis des Etats-Unis, que de nos autres grands partenaires, la Chine en particulier.

Les défis à relever : la nécessité d’un renforcement de l’Union Européenne

Il reste maintenant à tirer les leçons de cette malheureuse affaire et à préparer l’avenir en tenant compte des réalités actuelles de l’économie mondiale. Paradoxalement, seul un renforcement de l’Union européenne est de nature à nous mettre en meilleure position face à la prochaine crise, quelle qu’en soit l’origine. Il est donc essentiel de mettre en œuvre les rapports Draghi et Letta pour améliorer la compétitivité européenne, qui est la mère de toutes les batailles.

Sur le plan de la politique commerciale, il est essentiel de développer nos relations avec les autres pays et régions qui restent attachés à une certaine régulation multilatérale des échanges. On peut regretter à cet égard que l’Europe n’ait pas su établir un véritable dialogue avec le Japon, la Corée du Sud, le Canada, l’Australie, l’ASEAN , le Mercosur… afin de définir une position commune face à l’unilatéralisme américain.

Une occasion a été perdue. Tâchons maintenant de reprendre ces discussions afin de définir un nouvel ordre commercial entre partenaires partageant les mêmes valeurs.

L’appel historique de l’Europe : répondre à l’unilatéralisme

Il est de la responsabilité historique des dirigeants européens de relever ces défis. Comme leurs prédécesseurs l’ont fait en réponse au séisme économique du 15 août 1971, ils doivent impérativement tirer les leçons de la situation actuelle, marquée par une nouvelle rupture unilatérale des règles du jeu par les États-Unis.

En effet, si l’arrêt de la convertibilité dollar-or avait contraint les pays européens à inventer le « Serpent monétaire européen » dès l’année suivante pour défendre leur souveraineté monétaire face aux changes flottants, la coercition commerciale du 7 août 2025 exige aujourd’hui une réaction d’une ampleur similaire pour notre souveraineté économique et réglementaire face au protectionnisme et à l’unilatéralisme imposés par Trump.

Faute de cette unité et de cette détermination, les semaines et les mois à venir risquent de voir confirmer une série de déceptions : la poursuite de l’humiliation publique et de l’extorsion de concessions majeures, une précarité des accords due à la versatilité présidentielle, des divisions internes accrues au sein de l’Union Européenne, des pressions continues pour démanteler les règles européennes en matière de numérique et de climat avec notamment la remise ne cause du Mécanisme d’Ajustement Carbone au Frontières, une fragilité accrue vis-à-vis de la Chine…

L’urgence est d’agir avec la même audace et la même solidarité qui ont permis de bâtir les fondations de l’intégration monétaire européenne après le choc de 1971.

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